L’éducation n’est pas une marchandise !

Mercredi 20 juillet 2016 // Dérégulation de la société

Ci-dessous, le communiqué du Conseil supérieur de l’Education qui en dit long sur les réformes en cours. Le CSE est une instance consultative qui rassemble tous les acteurs de la communauté éducative.

"Monsieur le Ministre, Mesdames, Messieurs,

Le Conseil supérieur de l’éducation a rejeté l’ordre du jour de la dernière séance : vous en avez pris acte, et avez poursuivi votre programme, imperturbablement.

Le même jour, le Conseil supérieur de l’éducation a rejeté, à une très large majorité, la réforme du baccalauréat : vous en avez pris connaissance, et poursuivez aujourd’hui votre programme, toujours aussi imperturbablement…

La seule réponse que mérite votre obstination serait que nous quittions cette salle en vous laissant procéder seuls, au saccage de ce qui tenait encore à peu près debout dans ce champ de ruines qu’est devenue l’école... Le seul résultat visible [des réformes permanentes qui ont été menées] est d’avoir partout sapé la confiance, confiance de la Nation en son école, confiance des élèves en leurs maîtres, confiance des maîtres dans l’institution !

La réforme du baccalauréat, vous le savez, est rejetée non seulement par la majorité de cette assemblée, mais aussi par la quasi-totalité des associations de professeurs spécialistes et par la quasi-totalité des professeurs de lycée. Le contrôle continu contrevient à un principe qui ne souffre aucune exception : les membres du jury ne peuvent examiner leurs élèves de l’année en cours. (...) Nous tenons à vous rappeler que nous ne sommes hostiles ni par principe ni par posture à des réformes qui apporteraient de vraies solutions à des difficultés clairement identifiées. (...)

Le cœur de l’école, et le fondement de toute instruction (...), Monsieur le Ministre, ce sont les disciplines. Ce qui distingue l’école de la République d’un vulgaire appareil idéologique d’Etat, c’est l’autonomie du savoir par rapport au politique. Les disciplines ne sont pas figées une fois pour toutes, elles évoluent et intègrent, selon des modalités qui leur sont propres, les apports de la recherche ou les évolutions de la société. Mais d’un autre côté, elles ont chacune des exigences inhérentes à leur nature ou à la nature de leur objet. (...) Mettre les disciplines en concurrence les unes par rapport aux autres est un pêché contre l’esprit. Mettre les professeurs chargés de les enseigner en situation de quémander des heures pour leur discipline, comme s’il s’agissait d’une grâce qu’on devait leur octroyer ou qu’on pouvait leur refuser, est indigne d’une nation civilisée.

S’il n’est pas contraire à la raison de distinguer des enseignements communs et des enseignements de spécialité – à condition que le caractère général de la formation dispensée au lycée soit conservé, et qu’une spécialisation prématurée ne prive pas les futurs citoyens de l’accès aux connaissances – il est insensé en revanche, et tout-à-fait contraire à la raison, de définir ces enseignements de façon arbitraire et sans le moindre lien aux disciplines constituées.

Il est également dangereux, et tout-à-fait contraire à l’idéal des Lumières, de permettre qu’on choisisse un enseignement comme on le ferait d’une simple marchandise, en jetant son dévolu sur celui dont les atours paraîtraient les plus séduisants, en raison de leur nouveauté, par exemple. (...) Quant au rayon « Humanités » du supermarché que sera devenu le lycée, et dont il est évidemment grotesque de faire une spécialité parmi d’autres, on peut être assuré qu’il est destiné à prendre la poussière et à finir dans le stock des invendus !

Enfin, il est scandaleux, et tout-à-fait contraire à l’égalité républicaine, d’envisager, comme vous le faites si tranquillement, que les mêmes enseignements ne soient pas offerts dans les mêmes conditions à tous les élèves sur le territoire national, et qu’en raison de l’excessive et prévisible complexité des appariements entre enseignements de spécialités, vous puissiez assumer le fait, alors que vous en êtes le garant, de faire perdre à l’éducation son caractère national en soumettant la possibilité pour chacun de recevoir l’instruction à laquelle il a droit au lieu de sa résidence !

Pour ces raisons, qui ne sont pas de simples revendications donnant lieu à d’interminables discussions entre marchands de tapis, mais qui sont le rappel simple et clair de principes intangibles, le syndicat Action & Démocratie, comme il l’avait fait précédemment, réclame le retrait de l’ordre du jour des textes relatifs à l’organisation et aux horaires des enseignements en lycée, et demande la poursuite des consultations, tant il nous est apparu, à la suite des remontées du terrain, que les propositions actuelles entraînaient d’innombrables et sérieux dommages collatéraux rendant très improbables les bénéfices initialement escomptés de vos propositions.

Faute de nous entendre sur cette demande très raisonnable, vous porteriez l’entière responsabilité de l’exaspération d’une grande partie des professeurs et de l’inévitable radicalisation de leur expression ; car, si certains pensent encore par devers eux avoir tiré leur épingle du jeu, ils n’en seront pas moins solidaires, dans l’action, de ceux de leurs collègues qui, en s’apprêtant à résister coûte que coûte à cette réforme, luttent en réalité pour la survie de leur discipline, et de ce fait pour leur propre survie !"

René CHICHE, porte-parole National Action et Démocratie CFE-CGC

1 Message

  • Réforme du Collège. Derrière les bonnes intentions affichées... 8 novembre 2016 17:48, par Christine Bache

    Le chaos qui règne dans de très nombreux collèges est encore bien peu connu : devoir de réserve de la profession, culpabilisation savamment orchestrée de l’enseignant dit en « souffrance », en première ligne sur le front social ( mis en demeure d’accueillir les handicapés de toutes sortes, les immigrés de toutes nationalités, parfois totalement analphabètes pour qui les structures d’accueil n’existent plus…) enseignants réduits à l’impuissance, qui ne peuvent exclure de leur classe les délinquants qui pourrissent leurs cours ( « le conseil de discipline n’est pas une solution, vous devez gardez vos élèves, adaptez votre pédagogie ») ;la sanction est un aveu d’échec et d’incompétence… ; enseignants insultés quotidiennement, menacés très souvent , verbalement, mais aussi physiquement ; enseignants épuisés, méprisés, humiliés, écrasés par des injonctions absurdes, souvent contradictoires, en rupture totale avec leur idéal républicain d’instruction et d’éducation ! enseignants bafoués par des enfants-rois qui prennent le pouvoir à l’école, s’engouffrant dans les failles d’une « institution »pervertie, à la dérive, où règne l’omerta , où les réactions saines de certains d’entre eux se retournent systématiquement contre eux ! » Chaque jour, un professeur de collège rédige X rapports d’incidents ; quand un élève en a collectionné quelques -uns, une commission éducative ( tous le s professeurs de la classe + assistante sociale + éducateur…) est réunie pour retarder le conseil de discipline, dialogue avec bienveillance pendant deux heures avec l’élève qui a collectionné des infractions et des délits parfois très graves et finit toujours par lui donner encore une chance… une fiche de suivi va circuler ( remplie après chaque cours par le professeur !) et les rapports devront encore s’accumuler avant que peut-être il se passe quelque chose ! Et si on parlait du mensonge généralisé sur le niveau réel atteint par les élèves dans un tel lieu ? Mais ça, c’est maintenant connu : n’importe quel parent attentif peut se rendre compte du niveau alarmant des connaissances acquises…

    Lire « L’école de la lâcheté » de Maurice T.Maschino (2007) Marie-Claude Faivre

    Voir en ligne : Le monde-educ


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